Ma Seinthèse

Ma Seinthèse

Acte 1, Scène 1 : Dans les coulisses du cancer

Quand la chimio se termine on a une petite illusion que tout est fini.

On se sent même guéri...

Surtout lorsque la dernière séance se passe avant les fêtes...

On oublie les effets secondaires tellement le moral est à 100%, fêter Noël en famille, les cheveux commencent à repousser, manger des huîtres, ouvrir des cadeaux, le nouvel an entre amis, la compagnie créole, danser presque jusqu'à l'aube, boire quelques verres de vin...

Et puis un matin on se réveille et on a rendez-vous avec son cancérologue. Et tout revient, le traitement n'est pas terminé. Il reste 6 semaines de traitement. Puis 5 ans de médicaments.

On repense à ce qu'on vous a dit avant les fêtes pour la suite, pour la radiothérapie : “y'a des risques de brûlure, ne portez pas de synthétique, ne mettez pas de déo, évitez les soutifs, ne vous épilez pas (épiler quoi ? Je sors de chimio)...” La liste des choses à ne pas faire reprend quelques lignes... Revient aussi ce qu'on vous avait dit pour l'hormonothérapie : “Pendant 5 ans vous ne pourrez pas avoir d'enfants, et après tout ça il y a des risques de stérilité”. “Ils vous ont pas appelé ? Non parce qu'ils ont eu une panne de frigo ils ont perdu des ovocytes, mais si ils vous ont pas appelé c'est bien”. Ah donc il se peut que je devienne stérile et qu'en plus les ovocytes que j'ai sauvés avant de commencer la chimio fondent ?

Chimiothérapie.

Radiothérapie

Hormonothérapie.

Je devrais peut-être faire une psychothérapie.

 

J'ai souvent pensé dernièrement que je devrais voir un psy.

 

Après la quatrième séance de chimio, la première de Taxotère (médicament de chimio dont je vous vanterai les mérites prochainement), ça a commencé à se compliquer dans ma tête. Avant cette séance j'avais le moral, je me sentais d'attaque pour tout le traitement et positive sur tout ce qui se passait et allait se passer. Et cette séance a tout floutté. Les effets secondaires m'ont parasité les pensées. Une véritable boucherie dans les neurones.

Après l'apparition du Taxotère dans ma vie et maintenant que je me lance dans la radiothérapie, je suis dans une période mégalo, égoiste, égocentrique. Il est temps que je parle franchement de moi et de tout ce que je vis. (au-delà de la BD que je fais avec mon meilleur ami : ICI, cliquez, ça se lit vite ! )

 

Sans filtre, sans tabou. Quitte à choquer. Des choses que je n'ai jamais dites et que je dirai probablement jamais de vive voix, mais que j'ai pensées ne serait-ce que furtivement. Même les idées qui m'ont choquées moi-même ou les sensations éprouvées, toutes mes pensées, sales, égoistes, détestables... que le cancer a provoqué.

Mais le rigolo aussi, l'ironie des propos, le comique de situations, l'imagination qui tient un rôle salvateur régulièrement...

 

Je vais à travers ce blog tout moucharder, tout, je vais tout balancer ! En plus on sait jamais si j'en meurs de ce cancer j'aurais au moins participé à le dénoncer pour ses méfaits. Il n'est pas seulement coupable d'ablations, de cicatrices, d'abîmer les corps de l'intérieur et de l'exterieur.... Il fait fulminer le cerveau aussi... Il fait cogiter, il fait avoir des pensées atroces, et en même temps il nourrit votre créativité à son insue. Bien fait.

Il donne parfois le bourdon, et souvent l'inspiration. C'est la face cachée du cancer. La partie immergée de l'iceberg. Celle qu'on ne voit que lorsqu'on le vit. C'est probablement pas pareil chez tout le monde... Le cancer n'a jamais la même identité, les traitements sont tous différents, et les effets et réactions également. Same Same But Different.

 

J'ai en réalité toujours le moral mais j'ai des pensées vagabondes dont je veux me débarrasser en les jetant par écrit par la fenêtre de mon ordi. Ce blog sera la poubelle de mon esprit.

Et pas de tri sélectif.

Et encore moins d'ordre.

 

Je sais pas vous mais moi quand je fais un puzzle je pose le contour et je remplis après. C'est ce qui va se passer. J'ai posé le contour, bientôt la première pièce...


06/10/2015
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Acte 1, scène 2 : Félicitations ! C'est un cancer !

Depuis le 1er juin 2015 j'ai un cancer du sein. Fucking breast cancer. Il était déjà là avant mais le cancer c'est pas comme les bébés on peut pas savoir quand on l'a confectionné. Les cancers naissent le jour où on vous annonce que vous en avez un. Et à peine vous savez que vous en avez un que vous voulez déjà vous en débarrasser. Je veux pas le garder, enlevez-le moi, j'avorte avec plaisir de ce “batard”.

On m'a enlevé la tumeur le 30 juin. 29jours c'est une cohabitation interminable avec ce genre de colocataire. On l'entend pas... On le sent pas.... Mais qu'est-ce qu'il fait flipper. C'est comme si vous partagiez votre appartement avec Leatherface, Hannibal Lecter ou Ted Bundy... Comment fermer l'oeil quand on sait qu'on peut se faire tronçonner à tout moment ?

Le chirurgien : “Ne vous inquiétez pas, la tumeur ne va pas exploser d'ici là”.

Sourire poli de ma part. Zezette répond : “Ah bah cha va alors”

Mais pourquoi j'ai l'impression qu'on vient de me lancer une grenade dégoupillée dans les mains ? Je veux pas le garder ce machin !

29 jours à attendre... Et en plus, un cancer quand on est jeune et sans antécédent c'est Bingo ! Opération, sauvegarde d'ovocytes, chimio, radiothérapie, et hormonothérapie. Traitement si vous êtes consentante bien-sûr. Vous êtes en droit de refuser... Pour ou contre la chimio ?

Tu devrais manger que des graines au lieu d'aller te faire injecter du poison, la chimio c'est comme le karcher ça enlève la saleté mais ça peut emporter la belle peinture”...

Autant boire de la javel directement ?

J'ai déjà bu de la javel, je suis pas sûre... Si ça se trouve c'est même cette gorgée de javel, avalée malencontreusement par inadvertance sans faire exprès, qui m'a donné ce bordel.

Pour ou contre la chimio ? Ça c'est une grosse pièce du puzzle... C'est le ciel bleu qui est chiant à faire... ( la partie que je garde toujours pour la fin...) Pour ou contre la chimio ? J'en parlerai plus longuement plus tard.

Moi j'ai juste dit pour. Sans vraiment réfléchir. Par logique. Perdre mes poils (youpi !), mes cheveux, participer au festival de la gerboulade, j'ai dit oui. Car je me suis simplement dit “je vais guérir, le cancer va déguerpir et jamais revenir”.

 

On a tous perdu un proche du cancer.

Alors quand on vous annonce que vous en avez un ça parait irréel.

Je me suis dit des phrases que j'espère, pour certaines, ne jamais me redire.

Mais non mais moi je vais pas mourir”

Mais non mais moi je vais pas perdre mes cheveux”

Mais non mais moi je vais pas être clouée au lit”

Mais non mais moi je vais pas être en arrêt maladie”

Mais non mais moi je vais pas me plaindre”

Mais non mais moi je vais pas mourir”. Moi j'y pensais pas à la mort au début jusqu'à ce que quelqu'un me demande : “T'as pensé à la mort ?”

Non mais maintenant que t'en parles...” et hop ça reste collée à l'esprit comme un vieu sparadrap, merci du cadeau.

 

Bah oui au début je me suis crue plus forte que tout le monde. Six mois après c'est plus compliqué qu'au début. À la longue le corps se fatigue, se transforme, l'image qu'on a de nous-même change. La solitude aussi (un effet tertiaire dont je parlerai peut-être si ça me chante) fait son oeuvre et creuse dans votre cerveau des petits trous de doute, de manque de confiance. Quelques-unes des certitudes qu'on avait s'effritent. Les projets deviennent bringuebalants.

Le changement physique n'est pas radical, il se fait petit à petit, mais un matin vous vous regardez dans la glace et ça porte au coeur. C'est ça que vous voyez :

 

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Donc vengeance sur chocolat. Et le lendemain c'est ça :

 

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Alors vous vous autorisez une bière ou deux, vous vous maquillez plus que d'habitude et hop vous voyez ça :

 

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Là plus le choix il faut demander de l'aide à vos proches :

 

“Tu trouves pas que j'ai changé ?”

 

(avec toute l'hypocrisie bienveillante du monde) “Non pas du tout”

 

“Merci”

 

 

 

Hop vous voyez ça :

 

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Facile.

 

 

Le changement physique on s'en fout tant qu'on guéri.

 

Bah oui mais voilà, avant de commencer la chimio je me sentais pas malade. Je savais que j'avais un truc moisi en moi mais je ressentais rien. Et la chimio est venue mettre le souk dans mon corps. “Je t'avais dit de pas faire de chimio, ils vont te tuer avec la chimio”.

 

 

 

Vite vite relativisons pour pas finir cet article sur une phrase moche...

En plus je peux relativiser j'ai juste un cancer “pour quelques mois” certains ont un pet de travers constamment toute leur vie... Ouf.

 

 

 

 


15/01/2016
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Acte 1, scène 3 : "Mais c'est de la merde !?"

Un cancer passe.

Ma cousine : “Qu'on l'encule !”

 

Bande annonce de merde :

- Le cancer arrive et il est très très méchant.

 

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Un scénario qui s'apparente à un film d'horreur pourri.

 

- Il débarque dans tous les foyers et il a bien l'intention de décimer tout le monde, d'épargner personne. D'accord sympa le scénario basique.

 

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Qu'est-ce que c'est que ce tueur crétin ? Ce péteux vantard ?

 

Est-ce que je vais mourir bêtement comme la gourde blonde du début ? (bah je serai la gourde chauve du début pi c'est tout)

 

Avoir un cancer c'est jouer dans un film de merde.

 

On peut pas nier que dans ce film de merde il y a du suspense, de l'émotion, du rire. Le cancer est un tueur en série redoutable qui n'est pas si abruti qu'il en a l'air. mais franchement il est trop trop méchant et il a aucune psychologie... Pourquoi vient-il ? D'où vient-il ? Où va-t-il ? Pour quelle raison tue-t-il ? On ne le saura jamais...

 

Avoir un cancer c'est vraiment jouer dans un film de merde.

 

Vous saviez même pas que vous aviez été prise au casting.

 

Et en plus si vous vous en sortez au premier vous pouvez revenir dans le deuxième. “La rechute”. Où il est encore plus méchant. Mais moi j'ai bien l'intention de refuser, ça vous brise une carrière un rôle de merde pareil, c'est pour ça que j'ai accepté de jouer dans une série de merde “hormonothérapie”, pendant 5 saisons.

 

 En attendant je joue toujours dans ce film de merde, sans texte à apprendre car il donne jamais la réplique ce psychopathe de cancer. Un film de merde muet. Je serai pas la gourde chauve du début, je serai celle qui s'échappe à la fin et revient pas dans le 2 parce qu'elle a trouvé meilleur rôle ailleurs.

 

Le matin  après ma douche quand je suis seule je danse sur :

 

 

Je danse avec ma serviette autour de la taille, en levant les bras et secouant la tête façon gospel (sans cheveux dans les yeux), et je peux vous dire que l'énergie se disperse et toutes les cellules cancéreuses ont la gerbe et ont qu'une envie : se barrer de ce corps qui vénère Boney M, Diana Ross et Bibie.

J'adore la musique que d'autres considèrent comme étant de la musique de merde.

Ça me donne la pêche, la banane, et tous les autres légumes qui vont avec.

Moi c'est simple j'aime voyager, la musique de merde, le bon vin, les amis, le théâtre, la famille et les bons films... Alors jouer dans un film de merde (alors oui effectivement je dis beaucoup “de merde”, je m'en rends compte et pourtant c'est pas une journée de merde mais je crois qu'aujourd'hui c'est mon tic langagier, tant pis) ça me tape parfois un peu sur les nerfs, à moins que ce soit le taxotère de merde.

Je danse sans chemise sans sourcils et je me dis “c'est cool mais t'auras jamais un oscar dans ton film de merde”. Déjà "les critiques vont détester la B.O que t'as choisi et tu joues comme une actrice de sitcom".

Pourtant les acteurs adorent jouer ce genre de rôle, plus t'es malade au cinéma plus tu risques d'avoir un prix, alors jouer un cancéreux c'est top délire et c'est pas Ali McGraw, Javier Bardem, Karin Viard, Laura Smet et Bryan Cranston qui diront le contraire...

Avoir un cancer au cinéma ça fait pleurer tout le monde. “T'as vu quand même pour le rôle elle s'est rasé la tête”, mais s'est-elle rasé tout le reste ? Mystère. Un film sur le cancer pourquoi ça doit absolument faire chialer ?

Y'a quand mêmes des trucs drôles.

Je vais vous le raconter dans l'article suivant mon film de merde. C'est pas vraiment un film d'horreur finalement.

Moi dans mon film y'a des scènes clés. (entre autres la scène de la constipation après prise de Kytril...)

Moi dans mon film y'a des super personnages. (notamment la pote qui dit que des gros mots. C'est le personnage qui plait. Le scénariste s'est pas gouré. Ça fait du bien de voir cette maladie associée à des mots grossiers. Une phrase comme “Enculé de batard de cancer de merde qui pue la chiasse il peut aller se faire foutre on va lui nicker la gueule à ce fumier de connard” est plus naturel et crédible que “Ce cancer est vraiment insolent, il n'est pas le bienvenu et nous allons vaillement lui faire comprendre”.)

 

Et surtout moi dans mon film y'a super scène de fin. Quand j'ouvre mon café pas loin de la mer avec ma pote et que tout le monde vient pour la soirée d'ouverture...

 

Oui je dis la fin mais ça gâche rien vu que ça reste un film de merde.

 

 

 

 

(Avec super BO :

 )

 

 

 


19/01/2016
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Acte 1, scène 4 : Silence. Ça tourne. Action.

Mon film de merde”

 

Réalité ? Fiction ? Imaginaire ? Rêve ? Cauchemar ? Pastèque ? Délire ? C'est un mélange de tout... J'ai tout mis dans un shaker en espérant obtenir un Martini mais c'est la dernière pub Perrier qui est ressortie...

 

 


 

 

Dans mon film de merde, le cancer c'est pas un crabe c'est Gloria Gaynor. (ceux que j'entends huer chut ! C'est mon film je fais ce que je veux ! )

 

 

http://vbox7.com/play:4f69dfc0&pos=vr

 

 

Gloria Gaynor me suit partout. Oui parce que que ce soit dans les magasins, au cinéma, sous la douche, en soirée entre amis, il est là ce connard de cancer. Le boulet. Même quand je veux l'oublier il pointe son nez cette brêle ! “Et sinon ça se passe bien la chimio ?”

Bon sang j'avais zappé...

 

Dans mon film de merde moi c'est moi mais avec la voix de Fanny Ardant. (Anémone n'est disponible que pour le doublage de films sur la coqueluche, le cancer très peu pour elle et de toutes façons tant mieux la voix de Fanny Ardant est bien plus adéquate à mon physique... J'ai entendu pouffer, c'est qui qui a pouffé ? Qui a dit que je devrais avoir la voix de Ginette Garcin ? C'est pas délicat elle est décédée d'un cancer, franchement c'est pas fin, c'est trop ballot de perdre des occasions de se taire pareilles)

 

 Éteignez les lumières.

 

Chez Serge. (c'est ainsi que dans mon film de merde est nommé à la fois l'hôpital, la clinique, et le centre d'imagerie médical. Y'a toujours un bistrot ou une cafète dans lequel les personnages se retrouvent dans les films et séries de merde... Bon, dans mon film de merde c'est dans des bâtiments hospitaliers plutôt hospitaliers, Chez Serge.)

 

Intérieur jour.

 Bureau de centre de radiologie.

 Une petite dame radiologue qui ressemble à une Monique mais qui s'appelle Elizabeth (et qu'on va appeler Elizabeth Taylor, parce que son vrai nom est une marque et comme j'ai déjà dit Perrier, que je vais bientôt dire M&M's et pas tarder à congratuler Tagada ça va suffire) vient de me faire asseoir en face d'elle.

 

Première phrase de Fanny Ardant/moi ( dans ma tête) : “Dès le début j'ai su ce que c'était. Dès que je l'ai sentie cette boule j'ai su... Boule de merde”

 

(Je vous entends venir : “Si ça se trouve c'était juste un kyste et à force de croire que c'était une tumeur ça s'est produit par l'opération du Saint Macloud”. Oui et bien moi je réponds que j'en ai marre que vous interveniez à tout bout de champ par-dessus le marché ! Fichtre le film a commencé là, concentrez-vous, déjà que moi j'ai du mal, il faudrait qu'au moins 2 ou 3 suivent...)

 

Et Monique, merde non Elizabeth, d'une voix posée : “Les résultats sont pas bons”...

 

Les résultats de quoi ? Merci aux 2 ou 3 qui suivent... Oui les résultats de la biopsie ! Et non pas ceux du bac, comme l'a soufflée la musclée à lunettes là au fond qui s'est crue à un cours d'aérobic, ni les résultats des législatives, merci à la brune en peignoir rose qui plane ! Et qu'est-ce qu'il dit l'intello à rouflaquettes du premier rang là ? Pourquoi... Pourquoi je … Pourquoi je commence mon film aux résultats de la biopsie ?

 

Mon film commence aux résultats de la biopsie, parce que l'échographie, la mammographie et la biopsie on en voit assez comme ça chez Michel Cymes, et de la nudité y'en aura pas mal après ne vous inquiétez pas. Montrer mes seins dès le début avant le générique c'est psychologiquement non, je montre jamais mes seins la première scène !

 

Et puis l'echographie on s'en fiche, la mammographie on le sait toutes c'est désagréable, la biopsie aussi mais moins qu'un ongle arraché avec une pédale de vélo. Alors bon...

 

Elizabeth : C'est un cancer.

 

Moi : Oui mais je vais pouvoir travailler... ?

 

Elizabeth : Ah non ça va durer 6 mois, vous êtes jeune, après l'opération vous allez sûrement faire de la chimio et de la radiothérapie. Vous voulez vous faire soigner où ?

 

Moi : À Bali c'est possible ?

 

Elizabeth : Je vous le conseille pas.

 

Elizabeth va chercher ma mère dans le couloir.

 

Moi (dans ma tête) : Là ça devient sérieux. Fanny ! Martine ! Anne concentre-toi (schyzo va)...

 

Elizabeth (à ma mère) : Je suis venue vous chercher car c'est pas bon, c'est un cancer du sein.

 

Moi (dans ma tête) : Rapporteuse.

 

Ma mère, qu'on appellera Meryl Streep (parce que sur la route de Madison) : Merde.

 

Moi : Et c'est pas bon comment ? Comme de la coriandre ou pire ?

 

Elizabeth : La coriandre c'est plein de vitamine K donc c'est pire mais j'ai pleins de patientes que je vois toujours qui ont eu ça à votre âge et qui maintenant ont des enfants... Ça se soigne bien.

 

Moi : Ça se soigne bien ? Je vais prendre 1 cuillère de sirop de glucose avant de me coucher pendant 3 ou 4 jours, 2/3 pschitt de chlorophylle dans le nez et gober 4/5 gelules d'amoxicilline et ce sera bon ?

 

Elizabeth : Non, opération, chimio, radiothérapie, je l'ai déjà dit mais comme vous deviez être chamboulée par la nouvelle vous ne m'avez pas entendue.

 

Moi (dans ma tête): Non c'est juste le “ça se soigne bien” qui me dérange... J'ai comme le pressentiment que je vais beaucoup l'entendre dans les mois à venir...

 

 

Là le public normalement doit se dire “Merde j'aurais dû aller voir le dernier Dany Boon”, “Elle a rapetissé Fanny Ardant, non ?”, “Y'avait un truc dur dans mes pop corns je crois bien que c'était un M&M's“, et “C'est pas Angelina Jolie qui s'est fait enlever les seins y'a pas longtemps ?” “Chuuuuuuuuuut si c'est pour discuter c'est pas la peine !”

 

 

Elizabeth : Ça va aller...

 

Moi (dans ma tête) : Tout comme j'ai su que j'avais un cancer je sais qu'elle a raison.

Enfin je l'espère tellement que je crois le savoir, les larmes montent un peu mais pas de panique à bord. 6 mois elle a dit... Et puis j'ai bien entendu chimio, beurk, j'ai envie de m'allonger par terre, dormir et me réveiller dans 6 mois, je sens qu'il va y avoir du désagréable... Y'a un truc pourri moisi dégueu en moi et faut l'enlever, pas rester avec... On va l'enlever ce pansement collé dans les poils, vite fait bien fait, 6 mois... Ok on va le faire, pas de panique.

 

 

Elizabeth Taylor pose sa main sur l'épaule de Fanny Ardant qui regarde Meryl Streep commencer à avoir les yeux humides.

 

Pour un film de merde c'est pas si horrible, on dirait une saga d'M6, ou une série drama des années 90...

 

À suivre : L'annonce aux proches. On est pas sorti de chez Serge !

 

Hop Générique !

 


 

 

 

 

 


21/01/2016
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Acte 1, scène 5 : L'annonce aux proches

L'annonce aux proches.

 

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Qui dit film de merde, dit dialogues de merde.

 

Annoncer qu'on a un cancer à ses proches c'est comme écrire cet article, chiant. Une pause entre chaque ligne écrite. Une pause entre chaque annonce faite.

C'est pourtant pas la mer à boire” me dirait un pilier de comptoir dans la scène du bistrot suivant le génerique.

Oui parce que moi quand on m'annonce que j'ai un cancer je bois un verre et je fume une clop.

Bah moi je préfère largement boire la tasse que dire à mon père que j'ai un cancer.”

 

Moi : J'ai un cancer.

Le Père : C'est pas le moment.

 

Hopla.

 

L' annonce aux proches, j'en parle pour être débarrassée, ne plus jamais avoir à aborder le sujet.

Ces moments d'annonce je m'en souviens à peine... Et ma mémoire commence déjà à les transformer. Empirer certains, embellir d'autres. On fera avec ce qui reste. Le public sera pas difficile. De toutes façons pour aller voir un film de merde pareil plutôt que Star Wars faut pas être difficile.

 

C'est plus dur d'annoncer qu'on a un cancer que d'entendre la nouvelle par le médecin. Le médecin vous le dit une fois, vous l'entendez une fois, tous vos proches vont l'entendre une fois et vous vous devez le dire “bon nombre de fois”. L'annonce aux proches, c'est long...

L'annonce aux proches”. Qu'est-ce que cette phrase est moche. J'en ai pas d'autre sous le coude en plus... La cata. En cette période de soldes c'était la seule qui restait.

Il faut le dire et ça a du mal à sortir. Mince c'est que des mots...

Vous remettez au lendemain. Vous pouvez vous permettre, c'est pas comme si ce truc allait s'échapper. Et pourtant si si vous y croyez... “Je m'en fous demain ce sera plus là”

Le lendemain: Ouverture d'oeil. Palpation de sein, “Meeeeeeeeeeeeeeeerde cette boule ! La gaaaaaaaaaaaaaaaaaarce”.

Faut plus réfléchir faut se lancer. Au pire qu'est-ce qui peut m'arriver ? Un cancer ?

 


 

 

Pour s'entrainer pour commencer ce qui est pas mal c'est de l'annoncer par sms à quelques amis. On a des téléphones c'est fait pour s'en servir et c'est une occasion idéale. Si vous l'annoncez par sms la personne n'osera peut-être pas appeler. “Merde je commence la conversation comment ?”

 

Voilà on est bien parti... Mais en fait non, une fois qu'on a commencé c'est pas pour autant plus facile... Chaque annonce est un retour à zéro.

 

Vous essayez de continuer avec la famille, car ce qui est bien en famille c'est de le dire à une cousine qui l'annonce à un oncle qui le répète à son filleul qui le répète à sa soeur etc... Normalement en 1 semaine tout le monde le sait.

 

Mais faire confiance au téléphone arabe familial c'est prendre le risque que la nouvelle arrive un peu fêlée voire cassée.

 

-Alors il parait que t'as eu ton master félicitations !” “-Ah ça c'est une nouvelle que j'ai lancé y'a 8 ans mais merci oui”

-T'as un cancer de la prostate ? Mais comment c'est possible ça ?”

-Tu vas jouer dans Dexter ? Mais elle est pas finie cette série ?”

 

 Mais pause. 2 minutes. En fait ça sert à quoi de le dire à tout le monde ?

 

 Une cousine : Ah bah faut le dire à tout le monde, comme ça on la soutiendra tous.

 

 Alors la voix de Fanny Ardant réfléchit devant sa tasse de café ...

 

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Pourquoi le dire ? Quand on a la grippe ou une infection urinaire on appelle pas tout le monde pour le dire alors que contrairement au cancer c'est contagieux. Quand on a la varicelle ou un bouton de fièvre non plus alors que contrairement au cancer ça se voit. Alors pourquoi le dire ?

 

Kelly Sterling (psychologue diplomée d'Harvard) : Bah c'est égoiste.

Moi : Et pas le dire, le cacher à tout le monde ?

Kelly Sterling : Bah ce serait égoiste.

 

Ok et pourquoi c'est si dur à dire ?

 

Parce que dire 3 fois la phrase: “J'ai un cancer” fait qu'il devient réel et parce qu'on imagine ce qu'ils vont tous penser : “Putain elle va mourir”, “Elle va changer”, “Elle va nous saouler”, “Elle va nous gerber dessus”, “Si elle savait à quel point je m'en fous”, “Ça c'est le karma elle a dû faire quelque chose de mal”, “Elle a pas arrêté de nous gonfler avec son tatouage balinais contre le mauvais sort pfff tu parles d'un attrape-nigaud de charlatan”... Et l'imagination c'est souvent une bonne copine bien fun mais parfois c'est une petite peste déraisonnable. Alors on va la laisser de côté on la retrouvera quand on en aura besoin, notamment pendant la chimio...

 

Peux-t-on éviter de l'annoncer en face à face avec des mots ? On peut varier les plaisirs non ?

On va pas le dire à tout le monde par sms...

Y'a pleins de moyens... Anne cherche bien...

 

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Regarde sur Facebook, certains se gênent pas pour poster des couches pleines de leur bébé, ou de leur assiette de pâtes au pesto, ils se postent en photo quand ils sont dans le bus à 7h du mat pour démontrer qu'ils sont vaillants, ils postent leurs baskets pour nous faire croire qu'ils sont mega sportifs, ils postent leur table basse avec des bières dessus pour montrer qu'ils ont le sens de la fête, ils se postent eux-même tout souriants pour montrer qu'ils ont un dentifrice efficace mais un anti-calvitie de merde, ils postent même leur radio en photo pour nous faire voir à quel point ils aiment la musique à tout moment de la journée ! Les abdos, les lolos, les tickets de loto, les banjos, les alcoolos, les frigos, l'après-midi au zoo, les parties de cluedo, les cours de philo, des rectos, des versos, en solo, en duo, en trio, le rigolo, le rococo, les quiproquos, des écritures en langage "texto"... Même toi tu l'as fait Anne alors go go go ! Tu peux le faire !

 

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Ou une petite annonce Twitter ? Une photo Instagram en mode sepia, vas-y Anne tu poses en train de sourire en brandissant l'échographie de ton sein ! Tu poses bien souvent avec un verre de Guinness en terrasse, allez ma petite mégalo c'est pas compliqué, ou sur snapchat ? Ça dure 10 secondes et c'est fini, Hop !

 

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Mais non autant bien se torturer... On continue par la parole. Face à face ou de profil mais surtout pas de dos. Et c'est comme ça que je vais m'habituer... Enfin j'espère parce qu'au théâtre après 50 représentations le trac est toujours là.

 

Moi : J'ai un cancer.

Gertrude 1 : Oui bah comme tout le monde.

 

Hopla.

 

Moi : J'ai un cancer.

Gertrude 2 : C'est une blague ?

Moi : Oui je viens de la lire dans mon carambar.

Gertrude 2 : Ouai bah fais gaffe tu connais l'histoire de Pierre et le loup ? Un jour il va t'arriver des bricoles si tu continues de faire tes blagues de merde...

Moi : Genre quoi ?

Gertrude 2 : Bah genre un truc sérieux... Et personne sera là pour toi, na !

 

Moi : J'ai un cancer.

Gertrude 3 : Moi j'ai une otite et j'en fait pas tout un plat de fromages. 

 

Moi: J'ai un cancer.

Gertrude 4 : Parfait. Je vais te filer les bouquins de David Servan-Schreiber. Ma tante a cru pendant quelques jours qu'elle avait un cancer il y a quelques mois et elle a tout lu de lui pour rien. Tu verras il en parle bien du cancer. Il en connait un rayon. Connaissait le pauvre. Oui il en est mort mais ça l'empêchait pas d'être vachement calé. Autant que Justin Bieber en musique. Ah non l'inverse. Pas comme. Ah et je te passerai ma carte de fidélité de la Biocop. Parce que tu vas voir tu vas devoir te mettre au curcuma, au soja, aux graines de lin, au thé japonais et j'en passe...

 

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Quel beau gosse ce David, un mix parfait entre Thierry Lhermitte et David Ginola. Et je vous en reparlerai car il m'a été d'une grande aide.

 

Moi : J'ai un cancer.

Fernand : Alors là c'est bien fait. T'as bu trop de vin rouge !

 

Moi : J'ai un cancer.

La CPAM : Prenez un ticket.

 

Moi : J'ai un cancer.

Gertrude 5 : AAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHH putain de bordel d'enculé de merde maladie à la con qui emmerde le monde quelle chiure de chiasse on va lui faire ravaler son vomi par le trou de balle à ce connard!

 

Moi : J'ai un cancer.

Fernand 2 : Ah je me disais aussi que t'avais une sale gueule dernièrement, je penchais plus pour le sida mais ok un cancer d'accord.

 

Moi : J'ai un cancer.

Fernand 3 : Ça se soigne bien.

 

Ce “ça se soigne bien” qui me suivra... Que j'aime autant que je déteste...

Ça se soigne bien”. Le titre tout trouvé de mon film de merde.

 

Tout ça c'est gérable. C'est comme une bonne descente de Grand Huit, et puis soudain un looping ! : Vous l'annoncez à quelqu'un qui se met à pleurer. Là c'est le drame. C'est la scène qui sera choisie pour faire l'ouverture de la bande annonce à coup sûr.

 

Moi : Pleure pas s'il te plait.

Gertrude 6 : J'y peux rien, t'en as de bonnes toi... 

Moi : Mais je vais m'en sortir je vais juste avoir la grippe pendant 6 mois. Hihi. Haha.

Gertrude 6 : Mais oui je pleure pas pour ça.

Moi : Pourquoi tu pleures alors ?

Gertrude 6 : J'ai peur que ça m'arrive à moi aussi...

Moi :

Gertrude 6 : Mais oui oui bien sur que tu vas t'en sortir, c'est rien.

Moi : Oui, ça se soigne bien.

 

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On fera avec ce qui reste... J'avais prévenu.

Et ce qui reste c'est qu'une fois que tout le monde le sait on se sent tout simplement plus léger et très sérieusement plus armé contre ce truc machin bidule pas chouette.

 

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Et que maintenant, 8 mois après, je trouve que ma soutenance orale de rapport de stage  était beaucoup plus flippante.

 

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Et surtout toutes ces Gertrude et tous ces Fernand m'ont aussi tous dit : “Je serai là” et personne n'a menti...

 

Kelly Sterling : Bah c'est égoiste.

 

Oh ta gueule.

En fait l'annonce aux proches c'est pas la scène la plus tordante, touchante ou torride du film mais maintenant que c'est fait on peut passer à autre chose.

 

De l'action ! Du sang ! De l'action ! Du sang !

 

J'entends vos réclamations... Soon...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


01/02/2016
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